Bilan de l'année 2008
En rédigeant ce bilan, je me suis demandé si le choix de l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis comme le fait politique majeur de l'année 2008 a été le résultat d'un tri objectif ou juste la conséquence d'une poussée d'Obamania en moi ? Dit autrement, suis-je devenu le perroquet des médias qui récite docilement la leçon qu'il a précédemment mémorisée ou ai-je conservé ma neutralité malgré le battage médiatique autour d'Obama ?
A deux questions, deux réponses:
- Oui, j'ai succombé à une forme d'Obamania. En effet, après huit ans passés dans le « bush » (mot anglais qui signifie buisson en français), je me réjouis que nous en sortions. Tant qu'à faire, en préférant Obama à McCain, j'ai choisi celui des deux candidats qui semblait le plus éloigné politiquement de Georges W. Bush.
- Non, j'espère n'être le perroquet d'aucun média. Pour preuve, je m'attacherai à rester fidèle à ma pensée. A suivre.
Moins passionnément, en 2008 j'ai eu la sensation d'être happé dans un flux continu de nouvelles avec le sentiment de n'avoir pas accorder à chacune, le recul qu'elle imposait. Quelques exemples : la crise en Ossétie du Sud consécutive aux assauts Georgiens puis Russes, les adieux de Fidèle Castro après 49 ans à la tête de l'état cubain, la fin de la trêve entre la branche armée du Hamas et l'état d'Israël, les attentats en Inde dans des hôtels de Bombay, le scandale du lait chinois contaminé à la mélamine. Liste non exhaustive. Je n'aborderai aucun de ces évènements dans mon bilan car ils débordent tous du cadre habituel de ce blog. Néanmoins je tenais à rappeler ces moments forts de l'actualité vu que certains ont coûtés la vie à des centaines de personnes et que d'autres ont tendu un peu plus les relations internationales.
Politique - L'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis.
80% des terriens (hors Etats-Unis) aurait voté Barack Obama à la dernière élection présidentielle des États-Unis. Les américains ont donné au camp démocrate 70% des grands électeurs ce qui fera de Barack Obama le 44ème président des États-Unis. Un constat s'impose, cette élection a passionné et mobilisé à l'intérieur des États-Unis et peut-être même plus à l'extérieur. C'est inédit. Je pense qu'au delà des scores qui semblent assez proches car élevés, les raisons d'adhérer à la vision de Barack Obama n'étaient pas les mêmes, selon qu'on est américain ou non.
Côté américain:
Barack Obama gagne l'élection aux États-Unis grâce à la crise économique et malgré son handicap racial. Je reviens sur la crise économique plus loin dans le billet, dans cette sous-partie, je m'intéresse aux aspects ethniques.
La ségrégation basée sur les origines n'est pas un accident de parcours dans la marche démocratique américaine mais bien l'un des éléments fondateurs de cette société. Le principe de base de cette stratification ethnique est l'égalité entre blancs et la mise à l'écart des indiens et des noirs. Le terme blanc incluait les protestants anglo-saxons, les catholiques irlandais, les français de Louisiane mais excluait les « Latinos » pourtant eux aussi originaires d'Europe. Cette organisation a permis à tout nouvel émigrant de trouver rapidement sa place dans la société américaine, en fonction de ses origines. A cause de la mondialisation et suite à des approximations dans les choix économiques, ce pacte d'égalité a volé en éclat. Aujourd'hui les Etats-Unis forment un pays fortement inégalitaire et ceci indépendamment des origines. Aujourd'hui l'Amérique compte 40 millions de pauvres et les américains vivent sous perfusion, à crédit. Je pense qu'en élisant indirectement Barack Obama, la majorité des américains a compris que l'ennemi ne venait pas de l'intérieur mais se tenait à l'extérieur. En clair que le véritable clivage n'est plus blanc vs non-blanc mais plutôt américain vs non-américain.
Pour autant, peut-on considérer que les américains ont dépassés les clivages ethniques ? Je pense que non. On considère souvent Hollywood comme le surmoi des États-Unis, c'est-à-dire ce que l'Amérique rêverait d'être. A travers Hollywood, on remarque que l'Amérique se rêve multiraciale mais sans union intercommunautaire.
Côté le reste du monde:
Barack Obama est préféré à John McCain car il incarne mieux le changement par rapport à l'Amérique de Georges W. Bush, ce qui permet au reste du monde de recommencer à espérer une Amérique moins guerrière.
Un peu d'histoire. Après la seconde guerre mondiale, les États-Unis, ont mis en place un ordre mondial à dominante occidentale dans lequel ils tenaient une place hégémonique. La politique étrangère américaine consistait alors à contrôler et à rassurer ses alliés (i.e. la France et le Royaume-Uni) tout en cooptant les vaincus de la guerre (i.e. l'Allemagne et le Japon) dans son réseau économique et militaire. En adhérant à cette stratégie, les pays occidentaux acceptaient la prépondérance des États-Unis et se plaçaient sous sa garantie militaire. De cette façon, les états de l'ouest formaient un rempart naturel contre la menace soviétique et chinoise. L'ouverture du mur de Berlin et la chute des régimes communistes d'Europe centrale qui s'ensuivit ont rendu caduque cette organisation du monde.
L'invasion de l'armée américaine en Irak, une démonstration de la technologie militaire américaine qui a beaucoup contribué à faire émerger un sentiment anti-américain en général et anti-Bush en particulier. A raison, puisque cette guerre a été mal expliquée et les motifs qui la justifiaient se sont révélés fallacieux. Je pense qu'en envahissant l'Irak, les américains n'avaient pas conscience de l'érosion mécanique de leur influence sur la planète et du fait que le monde était aujourd'hui moins manichéen qu'il y a 50 ans. Dans l'inconscient collectif de 6 milliards de terriens, je me dis que Barack Obama incarne le renouveau américain car il est visiblement et idéologiquement assez éloigné de Georges W. Bush.
Pour autant, que va changer pour nous, l'élection de Barack Obama ? Pas grand chose, à mon sens. Avant d'être métisse, Barack Obama est américain, aussi, s'il a à choisir entre l'intérêt du monde et l'intérêt des États-Unis, il préférera probablement celui des États-Unis. Ce que faisait déjà Georges W. Bush. Tempérons ce sombre tableau et précisons qu'on peut légitimement espérer que les réponses qu'il apportera aux défis qui s'amoncellent devant lui - Deux guerres, une crise économique, une récession mondiale - seront plus raisonnées que celles de son prédécesseur.
Économie - La crise économique.
La monnaie joue un rôle capital dans l'économie. C'est un étalon qui permet de fixer la valeur relative des marchandises et des biens entre eux. La monnaie est également un intermédiaire pendant les échanges et surtout la dernière véritable source de pouvoir. Pouvoir de contraindre, pouvoir de corrompre ou plus simplement pouvoir de consommer. Lorsque votre capacité à acheter est amoindrie la seule opportunité qu'il vous reste pour continuer à consommer est le crédit. Dans une économie saine, votre aptitude à emprunter est directement proportionnelle à votre salaire. Ainsi, mieux votre travail est rémunéré plus les banques sont en mesure de vous proposer des crédits avantageux. Dans les États-Unis des années 2005-2006, la réserve fédérale américaine a maintenu son taux directeur à un niveau ridiculement bas. Ce n'est pas la seule raison mais cela a encouragé certaines banques à consentir des prêts immobiliers à des taux variables et à des foyers qu'elles savaient peu solvables. Ce sont les fameux « subprimes » et le point de départ de la crise que nous vivons.
Comme je l'indique ci-dessus, la crise démarre aux Etats-Unis en 2007 à cause des « subprimes ». Elle se propage au reste du monde parce que les banques américaines ont eues la bonne idée de jumeler les emprunts « subprimes » avec des crédits moins risqués et d'ensemencer la finance mondiale avec les montages résultants. Lorsque les familles qui ont souscrits aux « subprimes » sont victimes de la brusque augmentation des taux d'emprunts et ne peuvent plus rembourser leurs banques, leurs logements sont saisis pour être revendus. C'est alors que le marché immobilier américain, rapidement déséquilibrer par l'accroissement de l'offre au détriment de la demande, s'effondre et entraîne les banques avec lui.
De mon point de vue, cette crise est avant tout la crise d'une certaine idée du capitalisme: le néolibéralisme. Je ne suis pas pour le communisme mais l'idée que la masse monétaire puisse s'autoréguler et dans tous les cas ne doit pas souffrir l'intervention d'un quelconque organe central, me semble au mieux naïve au pire erronée. La crise des « subprimes » montre que certains dans la finance se sont comportés comme des pirates. C'est-à-dire qu'ils ont profité de l'absence de règles ou d'organe de contrôle compétent pour dévoyer le système. Cela ne remet pas en cause le système mais impose de bâtir de nouvelles règles de plus en plus coercitives en fonction des actes de piraterie constatés. Et surtout de se donner les moyens de les faire appliquer.
Cette crise pose également le problème de la dépendance de l'économie et de la finance mondiale vis-à-vis des États-Unis. Songez que Wall Street représente la moitié de la capitalisation boursière mondiale que le dollar représente 88% des transactions sur le marché de change et qu'il reste la devise de référence sur les marchés de matières premières. On sait que ce sont les fonds asiatiques - essentiellement chinois, japonais et arabes - qui financent la croissance américaine, car les foyers américains n'épargnent pas mais consomment. La question de la place du dollar et des bourses américaines dépend donc beaucoup des économies asiatiques. L'une des portes de sortie serait donc que les asiatiques arrêtent d'investir massivement aux États-Unis et commencent à placer leurs capitaux en interne ou en Europe.
Médias - Reforme de l'audiovisuel public.
Intuitivement, ce que j'attends d'un service public de l'audiovisuel, c'est qu'il propose une information et une grille des programmes totalement indépendants des pressions externes. Ces pressions pouvant être d'ordre commerciale - les annonceurs, les lobbys - ou politique - l'exécutif ou l'opposition. Si on regarde la situation en France on constate que l'audiovisuel public français pêche sur les deux tableaux, c'est pourquoi je me dis qu'une reforme était nécessaire.
Justement une reforme de l'audiovisuel est en cours de vote, son contenu est le suivant :
- Suppression de la publicité après 20h - puis totalement - sur toutes les chaînes du groupe France Télévisions à l'exception de Réseau France Outre-mer (RFO).
- Une seconde coupure publicitaire par tranche de 30 minutes lors de la diffusion de fictions et de films par les chaînes privées.
- Compensation du manque à gagner résultant de la suppression de la publicité par une taxe sur divers acteurs des télécommunications - dont les chaînes privées - et garantie de l'état sur la pérennité du financement.
- Nomination des présidents de France Télévisions, Radio France et de l'audiovisuel extérieur de la France par décret pour 5 ans par le chef de l'état. Avec des verrous au niveau du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) et de l'assemblée nationale.
- Le groupe France Télévisions devient une entreprise unique tout en conservant ses différentes chaînes.
- Les variations de la redevance seront indexées sur le taux d'inflation.
- Le Gouvernement pourra réformer par voie d'ordonnances la gouvernance du Centre National de la Cinématographie (CNC).
L'esprit de cette reforme c'est la suppression de la publicité des écrans publics et c'est ce sur quoi je m'appesantirai. Avant, je m'autorise quelques mots sur deux autres points qui donnent un éclairage particulier au fond de la réforme:
Compensation du manque à gagner
J'ai trouvé le débat sur cette question assez surréaliste. Je peux comprendre les inquiétudes des employés de l'audiovisuel public, mais à priori, lorsque l'État garanti la rémunération du livret A à un taux de 4% jusqu'en février 2009, une part importante des français courent acheter du livret A ? En quoi la parole de l'État aurait-t-elle moins de valeur lorsqu'il s'agit de financer France Télévisions ? Attention, je n'appelle pas à écouter béatement la parole publique, je demande juste plus de cohérence dans les critiques. De plus, il me semble que c'est l'État qui finance majoritairement l'audiovisuel public, ce ne sont donc pas les occasions qui lui font défaut pour se désengager de France Télévisions.
Nomination des dirigeants de l'audiovisuel public par le chef de l'Etat
Dixit ceux qui défendent ce texte à l'assemblée nationale et dans les médias, cette disposition est motivée par un désir de transparence. En effet, nous explique-t-on, les dirigeants de l'audiovisuel public étaient déjà nommés indirectement par l'exécutif via le CSA. Avec cette reforme les choses seraient plus limpides car plus directes. En clair, nous avions un système incestueux mais caché entre les présidents de l'audiovisuel public et l'exécutif. Après cette loi nous aurons un système tout aussi incestueux mais légal. C'était bien la peine de réformer !
La première chose troublante avec cette disposition est qu'elle n'était pas dans le discours qu'avait prononcé le président de la république il y a un an. Mon sentiment est que cette disposition n'a rien à faire dans ce texte de loi et qu'elle constitue une régression. Je suis convaincu que l'exécutif savait que cette disposition provoquerait un tollé. Une justification possible à sa présence serait que cette disposition détourne avantageusement les récriminations de l'opposition de la véritable réforme : la suppression de la publicité des écrans publiques. A suivre.
Suppression de la publicité sur les écrans publiques
De la vision que j'en ai, il y a au minimum trois acteurs dans cette affaire:
Le groupe France Télévisions: Si on se borne à la suppression de la publicité, la réforme a un impact quasi nul sur les affaires du groupe. En effet, chaque euro perdu sera remboursé par l'État. De plus, France Télévisions était financé aux 2/3 par l'État et à 1/3 par la publicité, ce n'était donc pas cette dernière qui dictait la programmation des chaînes du groupe. Bref ! Le véritable changement pour les équipes du groupe ce sont des programmes qui débutent plus tôt, après 20h et la reconversion/licenciement des employés de la régie publicitaire. Je ne suis pas persuadé qu'une loi était nécessaire pour arriver à ce résultat, c'est pourquoi j'imagine que cette réforme n'a pas été pensée pour avantager France Télévisions.
Le téléspectateur: Les enquêtes Médiamétrie montrent que l'écrasante majorité des meilleures audiences se fait sur TF1. Et ceci explique peut-être cela mais ce sont principalement les évènements sportifs, les shows télévisés et les journaux télévisés qui tiennent le haut du pavé. Cela signifie que malgré cette nouvelle loi, les téléspectateurs continueront à subir la publicité sur la grande majorité des programmes qu'ils apprécient. Pire, ils devront souffrir une seconde slave de publicité à 30 minutes d'intervalle pendant les fictions. A vrai dire, cette loi ne semble pas non plus avoir été pensée pour soulager la majorité des téléspectateurs.
Les chaînes privées: Dans sa configuration actuelle, le marché de la diffusion de la publicité est faussement concurrentiel. D'abord il faut savoir que chaque chaîne fixe ses tarifs en fonction de l'audience potentielle de ses programmes. C'est pourquoi, il est courant que la même publicité, diffusée à la même heure, ne coûte pas le même prix selon qu'elle est diffusée sur TF1 ou France 2. De plus, sur le marché de la diffusion, il existe deux types d'acteurs: Les chaînes privées qui ont besoin de la publicité pour être rentables et les chaînes de France Télévisions financées aux 2/3 par l'État et dont la rentabilité est relativement indépendante de la publicité. Le fait que les chaînes du groupe France Télévisions soient moins dépendantes de la publicité fait qu'elles peuvent se permettre d'être très agressives sur les tarifs qu'elles pratiquent pour les écrans de publicité. Suite à cette nouvelle loi, les parts de marché des chaînes privées devraient mécaniquement augmentées. Un acteur en moins produit automatiquement plus de place pour les restants. Mais surtout, elles auront les coudées franches pour négocier des tarifs à la hausse avec les annonceurs. Vous m'excuserez de ne pas verser de larme pour les annonceurs, les véritables dindons de la farce. Je me bornerai à constater que cette loi se présente comme une excellente nouvelle pour, par exemple, TF1 qui concentre déjà 54% des revenus de la publicité.
En général, j'ai tendance à réfuter les théories du complot. Parfois simplistes. Mais dans ce cas précis, force est de constater que s'il n'y a pas là un cadeau de l'exécutif aux chaînes privées, c'est fort bien imité.