Plaisir de la musique sous haute surveillance

Plaisir de la musique sous haute surveillance

Craig Barret (e.g. l'actuel président d'Intel) disait qu'« Internet sera à l'économie du 21è siècle ce que l'essence fut au 20è siècle » et je suis convaincu qu'il a raison. Je précise d'entrée que je m'intéresse à Internet le « moyen » par opposition à Internet le « but ». Je vais notamment parler de musique numérique. C'est-à-dire la musique téléchargée depuis Internet et consommée via des baladeurs mp3 et ogg.

Je pense qu'Internet représente une formidable opportunité pour les propriétaires des droits sur la musique. En effet, il permet d'augmenter la visibilité d'une oeuvre et indirectement celle de son auteur. Mécaniquement cela devrait produire plus de coup de cœur, voire d'achat. Problème : le piratage d'une œuvre est une fonction croissante de la convoitise qu'elle suscite et c'est ce qui explique la surprotection dont les œuvres digitales sont l'objet.

drmEn se lançant sur Internet, les maisons de disques ont pris soin de verrouiller leurs produits (via des DRM) et leurs profits. C'est ainsi que les propriétaires des droits sur la musique téléchargée perçoivent la majeure partie du prix du fichier (environ 65%), l'autre gros morceau va aux banques qui permettent les achats en ligne (environ 25% du prix). La part restante revient aux sites de diffusion de musique. Elle est réduite et couvre assez mal les frais de développement, de marketing et de fonctionnement de ces derniers.

Cette répartition des profits oblige les sites de musique en ligne à imaginer d'autres circuits de rentabilité. Par exemple, Apple via son iTunes Music Store valorise sont format propriétaire AAC et ses baladeurs iPod. Et ça marche. En France, ce sont les fournisseurs d'accès à Internet, Neuf Cegetel et Free qui font l'actualité récente.

Neuf propose deux offres de location de musique, exclusivement dédiées à ses abonnées et utilisateurs de Windows Média Player 10 :

  • L'une gratuite et limitée à 1 genre musical. Les genres musicaux disponibles étant : variété française, pop, rock, disco/funk, world, electro/dance, rap/R'n'B, jazz/blues et classique.
  • L'autre à 4,99 euros par mois, comprenant tout le catalogue Universal Music France.

La musique téléchargée ne sera transférable que sur des baladeurs compatibles avec les DRM Windows ce qui exclu le plus populaire d'entre eux : iPod. DRM oblige, l'abonné perdra toute sa musique le jour où il résiliera son abonnement chez Neuf ou s'il ne connecte ni son PC ni son lecteur numérique au minimum une fois par mois pour renouveler la licence associée aux fichiers audio. Pour plus d'information, visitez http://neufmusic.fr.

L'offre de Free s'articule autour d'un partenariat avec le site d'écoute à la demande http://deezer.com (ex Blogmusik). La consommation des morceaux y est gratuite et illimitée. Les morceaux sur deezer ne sont pas téléchargeables mais streamés, c'est-à-dire que vous devez être connecté à Internet pour les écouter. Contrairement à Neuf Cegetel, deezer n'utilise pas de DRM mais propose de la pub pour financer son service. De fait, la plateforme est exploitable sous Windows, Mac OS X et Linux. Notez enfin que http://deezer.com n'est pas réservée aux freenautes.

Personnellement je ne suis pas demandeur d'offres avec DRM car la musique n'est mienne que quand je la possède. Et les DRM me l'interdissent. De plus, même si elle est plus séduisante, l'offre de deezer ne me convainc pas totalement dans la mesure où je veux pouvoir écouter la musique que j'apprécie loin de mon PC et d'Internet.

Plus généralement, les mesures techniques de protection de logiciels ont toujours existées. Exemple sous Windows, de nombreux logiciels nécessitent une clé d'activation pour être fonctionnels. Windows lui-même est livré avec une batterie de protections, souvent inefficaces, mais c'est un autre débat. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les créateurs de logiciels ne sont pas candides. Depuis le temps qu'ils s'y essayent ils ont bien compris qu'il était techniquement impossible de protéger de manière absolue un logiciel. En fait, si vous ne souhaitez pas que votre logiciel soit piraté c'est simple : assurez-vous qu'il restera confidentiel et faites en sorte qu'il ne présente aucun intérêt. Le second étant une condition suffisante au premier. Bref, un protocole inacceptable pour quiconque souhaite gagner de l'argent. Non, la longévité des protections logicielles vient du fait que les personnes qui les commandent, espèrent qu'à défaut d'être efficaces elles allongeront le délai qui sépare la sortie d'un logiciel protégé de la disponibilité du crack qui va bien. A méditer.

Les protections logicielles appliquées aux fichiers musicaux souffrent des mêmes limites. Ces protections sont régulièrement cassées, pire, il est aujourd'hui possible de se procurer de la musique gratuitement sans DRM, via les réseaux P2P ou moyennant très peu d'argent sur des plateformes alternatives. In fine, les personnes qui endurent le plus ces protections, ce sont les honnêtes consommateurs et je me dis qu'il est temps de penser à eux.

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