Enseignements politiques
En instaurant un régime semi-présidentiel en 1958, le général de Gaulle voulait rééquilibrer les pouvoirs entre le parlement et le président. Un peu plus de pouvoir pour le président et vases communiquant obligent, un peu moins au parlement. Problème : les députés étaient élus de manière directe et le président, non. C'est donc pour résoudre ce conflit que le président est lui aussi désormais élu au suffrage universel. De facto, dans la V ème république, le président est au dessus des partis politiques et l'alter ego du parlement. Mon propos ici, n'est pas de contester la pertinence du modèle, je ne pense pas qu'une perfection soit atteignable dans le domaine. Je me propose de mettre en lumière des contradictions induites par la modernité et je pointe quelques chemins de réflexion. Vaste chantier.
Commençons par les institutions. "L'enfer est pavé de bonnes intentions" c'est la substance d'un proverbe populaire. J'essaye de montrer dans la suite comment l'adaptation nécessaire de nos institutions au tempo de la vie moderne a déséquilibré les pouvoirs.
- Je n'y étais pas mais je suis convaincu que depuis sa création notre monde est en constante mutation. C'est vrai d'un point de vue climatique et c'est très palpable depuis quelques années économiquement parlant. Je pense à la mondialisation. Deux exemples : 1) Le prima du capital sur le travail qui fait pression à la baisse sur les salaires (c'est le problème du pouvoir d'achat). 2) Le G8 sans la Chine, l'Inde et le Brésil qui apparaît comme un club d'amis dont les décisions n'ont d'impact ni sur l'économie, ni sur l'écologie. Dans cette configuration le quinquennat est une bonne mesure car elle autorise un renouvellement plus soutenu de l'élite et on l'espère une meilleure réactivité face aux défis proposés.
- Dans la même veine et pour autant que cela contrarie les velléités de cohabitation, je pense qu'on peut considérer le rapprochement des élections présidentielles et législatives comme une bonne intention. Le dommage collatéral c'est que ça préempte l'élection du président par rapport à celle des députés. C'est-à-dire que les députés savent qu'ils doivent leurs sièges au président. De fait, la tentation est grande pour le président d'instrumentaliser sa majorité. Affaire à suivre, ce n'est pas l'objet du présent billet.
Personnellement je n'ai rien contre un président influant et remplaçable plus souvent, bien au contraire. Beaucoup de pays fonctionnent ainsi (Angleterre, Allemagne, Etats-Unis …) même si les titres changent. Et c'est efficace. Je me pose simplement deux questions :
1) Pour moi le parlement est le poumon de la démocratie il doit se positionner comme l'alter ego du président à défaut d'être un contre-pouvoir. Le risque qu'il devienne un outil d'exercice du pouvoir de ce dernier pose le problème du mode de scrutin. En effet, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, ce scrutin à la particularité d'accentuer la majorité et de sanctionner les minorités. Je me demande si ce mode de scrutin est toujours adapté dans la mesure où on sait que l'élection législative confirmera l'élection présidentielle ? Le temps est peut-être venu d'accepter une moitié de proportionnelle, comme en Allemagne ?
2) C'est le président Nicolas Sarkozy qui a choisi les ministres (comme un premier ministre), c'est le président qui rythme la vie politique, c'est le président qui dans quelques mois pourra s'exprimer régulièrement devant les députés (comme un premier ministre). Bref ! Avec un président plus puissant donc plus responsable et actif, je m'interroge sincèrement sur l'intérêt d'un premier ministre ?
Terminons par le poids des partis politiques et de la presse. "La rencontre d'un Homme et d'un peuple" c'est en substance un souhait qu'on prête au général de Gaulle qui a voulu l'élection au suffrage universel du président de la république. Force est de constater que depuis lui cette assertion ne s'est jamais plus vérifiée. En effet, d'une part, plus que jamais l'élection présidentielle consacre un parti via un Homme et d'autre part entre l'Homme et le peuple il y a les médias qui ne sont pas tous transparents.
Je ne vais pas, ici, abonder dans le discours du tous corrompus qui favoriseraient un camp plus que l'autre. En parlant de la presse. Tout simplement parce que c'est faux, les journalistes sont des citoyens comme les autres et à ce titre il y en a pour tous les goûts. Faux débat, pour moi. Ceci dit, je sais que comme tous les marchands, une rédaction ne vit ni d'amour, ni d'eau fraîche. Elle a besoin de vendre. Dans son cas ce sont des images, du texte et de l'exclusivité. C'est pourquoi elle adapte et sélectionne ce qu'elle présente pour que ça cadre avec ce qu'elle croit devoir servir à ses clients. Je ne suis pas entrain de remettre en cause l'éthique des journalistes mais je m'interroge légitimement sur les vertus d'une information qui nous parvient après des couches d'interprétations ?
Pour conclure je remarque que pour aussi judicieux qu'aient été les choix fait en 1958 d'une part et pour aussi pertinents qu'aient été les changements apportés à la constitution d'autre part, nous ne sommes qu'au milieu du gué. Je veux dire par là que le système actuel est incomplet. Il fonctionne dans la majorité des cas mais montre des signes d'essoufflements dès qu'on augmente les cadences. Je me dis qu'il serait prudent d'injecter un peu de lubrifiant dans les rouages de la politique, ceci afin de fluidifier les mécanismes et d'éviter l'embolie.