La guerre des réseaux sociaux

La guerre des réseaux sociaux

Si vous êtes coutumier de l'actualité sur Internet, alors vous avez probablement lu des articles relatifs aux réseaux sociaux (adaptation en français de « social network system ») que sont Myspace, Bebo, FaceBook, Orkut, Viadeo ? Si non, notez simplement que ce sont des sites de communautés. C'est-à-dire qu'ils fédèrent des groupes de personnes ayant en commun : une passion, des goûts musicaux, un métier, une langue ... Pour se développer ces sites mises sur le bouche-à-oreille ou le clavier-à-écran, au choix. Concrètement, le nouvel inscrit envoie des messages invitant des membres de son propre réseau personnel (physique ou virtuel) à rejoindre le site. Chaque invité répète à son tour le processus, accroissant mécaniquement le nombre de membres et de liens dans le réseau.

Les réseaux sociaux proposent traditionnellement à leurs adhérents des mises à jour automatiques de carnet d'adresses, la visualisation de profils personnels, la possibilité de former de nouveaux liens par des services d'introduction et d'autres formes de raccordements sociaux en ligne. C'est l'expansion virale. Tous ces sites démarrent du postulat qu'il est plus enrichissant pour un individu d'être connecté à une variété de réseaux eux même liés les uns aux autres que d'être membre d'un forum ou d'une communauté monocolore. En effet, nous appartenons tous à de petits réseaux d'amis, de partenaires, de collègues … sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour élargir notre horizon professionnel ou rencontrer des personnes avec lesquels nous partageons des passions. Les petits réseaux dont je parle ci-dessus peuvent être réels, comme des amis que nous visitons physiquement, sinon virtuels, exemple des amis avec lesquels nous dialoguons exclusivement sur Internet. Quoiqu'il en soit en connectant ces réseaux personnels sur Internet et en naviguant dans les réseaux des autres, nous accroissons notre potentiel et notre horizon. Et c'est pour ça que ces sites battent régulièrement des records de fréquentation. Dans ce billet je brosse un tour d'horizon des communautés et je présente les appétits qui s'aiguisent en coulisses.

Mon expérience personnelle ne me permet pas de dire avec précision quand a éclos le premier réseau social sur Internet, la légende veut que cette distinction revienne à www.classmates.com un site qui permet de garder le contact avec d'anciens copains d'école. C'était en 1995. Aujourd'hui sur la majorité des réseaux sociaux, la construction de profil est libre ainsi que la possibilité de définir le niveau d'opacité des informations que vous y insérez (Qui peut consulter votre profil ? Quelles parties de votre profil sont publiques ? ...) . De plus, la mise en relation sociale nécessite la confirmation des deux parties concernées. Certains réseaux sociaux proposent des fonctionnalités supplémentaires, telles que la possibilité :

  • de créer des groupes qui partagent des intérêts communs
  • de télécharger des vidéos
  • de dialoguer par forums, chat, email ...
  • de géolocaliser les autres membres
  • ...

Pour décrire un phénomène en expansion il suffit généralement de présenter deux points :

  • Myspace Le point le plus dense : c'est Myspace. C'est un réseau généraliste qui dénombre plus de 200 millions d'inscrits. Les études récentes sur la fréquentation des sites sur Internet indiquent que Myspace serait parmi les dix sites les plus visités au monde, toutes catégories, langues et pays confondus. Ça laisse rêveur.
  • FaceBook Le point le plus mobile : c'est FaceBook. C'est actuellement le réseau qui a la meilleure presse. Il a la particularité de publier un ensemble d'API (e.g. Interface de programmation) nommée FaceBook Platform. Ces API permettent aux développeurs externes d'enrichir la plateforme via des modules. FaceBook était initialement un réseau réservé aux étudiants de Harvard, il a récemment muté en réseau généraliste, ce qui n'est pas étranger à son succès.

De mon point de vue il n'y a rien de conceptuellement nouveau dans les réseaux sociaux, c'est simplement un moyen mis à notre disposition pour accomplir ce que nous faisions déjà mais plus efficacement. Ils n'en constituent pas moins la nouvelle coqueluche d'Internet. Comme tout phénomène à la mode, ils permettent de cliver les internautes en deux camps : ceux qui y participent et les autres. Cette situation conduit souvent les deuxièmes à s'inscrire dans des communautés pour ressembler aux premiers sinon à former leur propre réseau social, ce qui revient à alimenter le système. Bref ! Je pense que les réseaux sociaux forment une bulle qui à l'image des start-up, finira par exploser. Les questions en suspens étant : Quand explosera-t-elle ? Et à qui cela profitera le plus ?

Quand ? Difficile à dire mais on peut constater qu'elle commence déjà à dégonfler. Quelques signes annonciateurs :

  • La qualité des sites en général se dégrade.
  • La quantité de communautés inactives croît.
  • Le spam se développe.
  • La fréquence des visites sur certains leaders comme Myspace régresse.

Après l'explosion il ne devrait subsister que ceux qui ont trouvé la bonne niche ou ont su enfuir leurs racines, bien profondément. A suivre.

A qui cela profite ? Comme je le disais tantôt, à ce stade il est impossible de déterminer combien de temps va durer l'état de grâce dont jouissent les réseaux sociaux. Ce qui est sûr c'est qu'ils drainent du monde et constituent un excellent levier pour celui qui saura les fédérer. Je m'explique : sur Internet vous avez communément deux mondes qui cohabitent :

  • Les terminaux : c'est ce avec quoi vous vous connectez à Internet (e.g. ordinateur, portable, pda ...). Dans ce monde la déesse s'appelle Microsoft.
  • Le contenu : c'est ce que vous recevez d'Internet (e.g. HTML, vidéo, music ...). Dans ce monde la déesse s'appelle Google.

En attendant Matrix et les hommes capables de naviguer sur Internet par la pensée, ces deux mondes sont contraints de cohabiter encore quelques années. Ceci dit la cohabitation des déesses n'est ni indispensable ni souhaitée par les intéressées. C'est pourquoi Google et Microsoft s'affronte régulièrement sur à peu près tout ce qui gravite autour d'Internet. L'idée c'est qu'au bout du bout du bout, il n'en reste qu'un. Ça me fait penser à Highlander tout ça !

Ce qu'il est intéressant de remarquer ici c'est que ces deux sociétés n'ont ni le même âge ni le même passé. Elles ont chacune une stratégie de conquête chevillée à l'esprit et forcément héritée de leurs histoires respectives. Avec tous les avantages et inconvénients que cela suppose :

Google se présente comme la start-up sympa qui veut notre bien à nous internautes et qui n'hésite pas à casser les codes pour tenir à jour cette idée dans nos esprits. Dans les grandes lignes : Google a été la première à appliquer des critères pertinents et objectifs pour trier ses résultats de recherche, avec Gmail google a rendu le webmail sexy et obèse, Google est en tête de la publicité ciblée et non-obstrusive ... Liste non exhaustive. Bref ! Vous l'avez compris quand google veut qu'elle que chose elle s'assure d'abord du soutien des utilisateurs et des développeurs puis impose à ses concurrents sa vision du système. Ce n'est pas de l'altruisme, google est une entreprise qui fait des bénéfices et cherche à en faire encore plus, simplement son positionnement est suffisamment singulier pour être signalé.

Microsoft est une entreprise qui a née et s'est construite indépendamment du boom d'Internet. Ceux qui connaissent son histoire savent qu'elle a rarement été novatrice. Quelques exemples : elle a racheté MS-DOS puis délesté IBM de son PC, elle a copiée l'interface graphique d'Apple, elle est arrivée sur le marché de la bureautique bien après les premiers logiciels de ce type ... Quoiqu'il en soit Microsoft est aujourd'hui la plus importante entreprise de services d'information et est la société qui a le plus œuvrée pour populariser l'informatique. Sa place n'est donc pas usurpée. Sur Internet Microsoft pratique le clanisme c'est-à-dire que ses partenaires lui offrent sans condition leurs approbations en échange Microsoft leur octroie des privilèges symboliques ou financiers (e.g. participation au capital, tarifs préférentiels sur des produits Microsoft ...).

Le dernier exemple de cette opposition de style c'est OpenSocial de google. Google est partie du constat assez simple qu'encore plus que le look et les personnes qui animent un réseau, se sont les fonctionnalités, dudit réseau qui font sa popularité. Le combat Myspace vs FaceBook en est la preuve. En effet, Myspace reçoit plus de visites et héberge plus de communautés que FaceBook et pourtant celui dont la croissance est la plus forte c'est FaceBook. Ceci simplement parce que FaceBook est extensible à volonté et selon le bon vouloir des développeurs qui exploitent ses API. Au final il est plus aisé d'avoir un FaceBook à son image qu'un Myspace à son image et ça change tout ! A ce stade de sa réflexion google ignore qui survivra à l'explosion de la bulle des réseaux sociaux. Suivant la même logique, il n'est pas trivial qu'une API Myspace Plateform suffirait à inverser la tendance. C'est pourquoi google a mis au point OpenSocial, une interface permettant la programmation d'applications compatibles avec plusieurs réseaux sociaux. Concrètement les développeurs vont pouvoir créer grâce à OpenSocial un module une fois et avoir la garantie que ce module sera compatible avec tous les réseaux sociaux qui adhère à OpenSocial. De plus google a eu la bonne idée de s'appuyer sur des standards de facto que sont JavaScript et HTML là où FaceBook impose d'apprendre un nouveau langage, fusse-t-il très simple. Côté consommateur social, nous avons l'assurance de retrouver nos modules favoris d'un réseau à l'autre. Bref ! Nous ne sommes plus captifs. Merci google même si je ne doute pas que cette initiative est loin d'être désintéressée et permet au contraire à google d'investir massivement un domaine duquel il n'était pas encore à la pointe. Côté réseaux sociaux, les échos semblent bons, puisque la liste des partenaires s'allonge un peu plus chaque jour : MySpace, Friendster, LinkedIn, Ning, Oracle, Orkut, Plaxo, Salesforce.com, Six Apart, Xing … Vous avez noté l'absence de FaceBook dans la liste ? J'y reviens plus loin.

Tout serait très simple si Microsoft n'avait pas senti qu'ici se jouait probablement un tournant dans la bataille pour le contrôle des réseaux sociaux. Je rappelle que Microsoft a son propre réseau social : Windows Live Spaces. Je pense que Microsoft savait que Google préparait une offre en direction des réseaux sociaux. Des informations filtraient d'un peu partout sur le sujet. C'est pourquoi Microsoft s'est alliée à FaceBook espérant ainsi gêner la déferlante google sur les réseaux sociaux. Tous les projecteurs sont désormais braqués sur FaceBook : En restant en marge d'OpenSocial et si ce dernier connaît le succès qu'on lui prédit, FaceBook fait implicitement une croix sur une partie de ses revenus publicitaires. D'un autre côté, en choisissant le giron de Microsoft et connaissant les moyens de cette dernière, FaceBook s'assure de survivre à l'explosion de la bulle des réseau sociaux. Affaire à suivre.

1 commentaire

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Sylvain a dit:

20 déc. 2007

Très intéressant. Je n'ai que ça à dire.
Bonne continuation.